Général
Discours de lancement du comité consultatif laïcité par Nathalie Appéré
21 mars 2015
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Discours prononcé en février 2015, lors de la rencontre d’installation du comité consultatif.

Mesdames et messieurs,

Nous lançons aujourd’hui le comité consultatif laïcité. Je veux remercier chacune et chacun d’avoir accepté de répondre à l’invitation de la Ville de Rennes.

Le 9 mars, je soumettrai à l’approbation du Conseil municipal la création de cette instance de veille, d’information et d’actions. Elle s’inscrit dans le projet municipal que les Rennaises et les Rennais ont approuvé en mars dernier.

Mais, dès aujourd’hui, j’ai souhaité que nous puissions nous réunir pour préparer son installation officielle.

Après les épreuves que notre pays a traversées, nous avons placé la laïcité, au premier rang des chantiers de consolidation de notre pacte républicain, de notre vivre-ensemble.

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La laïcité est la clé de voûte de la République.

Elle est proclamée dès l’article premier de notre Constitution car elle est intrinsèquement liée à notre façon de faire Nation. Derrière chaque composante de notre devise républicaine, « liberté, égalité, fraternité », il y a, sous-jacente, la laïcité.

La laïcité c’est une liberté, liberté de conscience, liberté de culte, qui permet à chacun de croire ou de ne pas croire ; qui permet à chacun de pratiquer, d’exprimer sa foi, ses doutes ou ses convictions, et toujours sous la protection de nos institutions.

La laïcité – et j’attache à ce principe une attention toute particulière – c’est la condition de l’égalité. Aucun individu ne peut se prévaloir de ses croyances ou de ses convictions pour exiger des droits spécifiques. Aucun groupe et aucune communauté ne peuvent transiger avec les principes de la République et je pense en particulier à l’égalité entre les femmes et les hommes, dont nous avons fait une priorité pour le mandat.

La laïcité, c’est enfin la garantie de la fraternité. Elle n’est pas une négation du fait religieux ou de la spiritualité. La laïcité n’est ni une indifférence, ni une intolérance. Elle est au contraire une exigence de dialogue, d’apaisement, de coexistence harmonieuse. Elle est une invitation, non pas à l’écrasement, mais bien au dépassement de tous les particularismes.

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En cela, elle est le pilier de notre cohésion sociale. Un pilier d’autant plus essentiel que notre société n’a jamais été aussi plurielle, aussi riche de ses différences. La laïcité est précisément ce trait d’union entre l’unité et la diversité.

Mais reconnaissons aussi que ce pilier est fragile parce que souvent il est incompris.

« Tous ceux qui disent les mêmes choses ne les possèdent pas de la même sorte » disait Pascal.

La laïcité est manifestement l’objet d’une grande variété de définitions et d’interprétations car elle est le résultat d’un équilibre toujours à rechercher et à définir entre la liberté d’exprimer sa foi et la liberté de conviction de chacun.

Aujourd’hui – cela nous remonte de manière régulière dans différentes rencontres – des entreprises, des associations, y compris cultuelles, des administrations même, au premier chef la Ville de Rennes, manquent de repères sur les portées concrètes et pratiques du principe de laïcité. Sa mise en œuvre se heurte au brouillage des lignes entre les sphères privées et publiques.

Chacun voit bien que le principe de laïcité dont nous avons hérité doit nécessairement être actualisé pour prendre en compte le nouveau visage de notre société, de nouvelles situations particulières.

Je pense à cet individualisme qui invite chacun à construire sa propre identité. Je pense à la sécularisation de la société, à la structuration de l’Islam de France ou à l’apparition de nouvelles pratiques religieuses.

La laïcité – nous ne l’oublions pas – est aussi détournée, dévoyée par l’extrême-droite qui ne voit en elle qu’un instrument de discrimination, de stigmatisation. Pour elle, l’identité de notre pays serait à tout jamais figée. Telle ou telle religion serait, par nature, incompatible avec la France.

La laïcité est enfin attaquée par des revendications communautaristes et des replis identitaires. Et je ne l’évoque pas – mais chacun l’a aujourd’hui à l’esprit lorsque nous évoquons le 11 janvier – le visage effrayant du fanatisme qui peut parfois séduire des enfants perdus de la République.

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Voilà pourquoi, il est essentiel aujourd’hui, plus que jamais, de faire vivre l’esprit et la lettre de la loi de 1905.

Pour cela, nous avons besoin de la vigilance des élus, toutes les sensibilités de notre conseil municipal sont représentées ici. Mais aussi de l’engagement des représentants des cultes, des mouvements de pensée, des experts et des acteurs engagés que vous êtes.

Nous lançons ce matin, avec vous, une nouvelle mobilisation pour la laïcité.

Il ne s’agit pas d’y voir la panacée de tous les problèmes du vivre-ensemble. Ils sont aussi économiques, sociaux, culturels… Nous avons d’ailleurs ouvert d’autres chantiers, d’autres réflexions pour y faire face.

Il ne s’agit pas non plus de réinventer un cadre juridique puisqu’il repose sur une jurisprudence réaffirmée, constante et un corpus qui va de la circulaire jusqu’à notre Constitution.

Non, ce comité a, au contraire, vocation à s’inscrire profondément dans la réalité, dans la spécificité de notre ville. Et c’est la raison pour laquelle j’ai demandé à un acteur local, à René Jouquand – qui l’a accepté et je l’en remercie – d’assumer le rôle d’animateur du comité.

Je sais que sa très grande connaissance du tissu rennais, son engagement de longue date en faveur de la culture – la culture comme moyen de faire société, et je sais aussi son ouverture d’esprit également permettront à vos débats de se développer en toute sérénité.

Il sera assisté administrativement par Gilles Suignard, qui a été le directeur général de nos services municipaux et qui met aujourd’hui son expérience au service de sa mission d’Inspecteur général de l’administration municipale et métropolitaine. Gilles Suignard pourra occuper les fonctions de rapporteur.

Je présiderai personnellement le comité consultatif. C’est le sens de la délibération qui sera soumise au Conseil municipal. J’exercerai cette fonction avec l’implication particulière d’Hubert Chardonnet et de Geneviève Letourneux, qui par leurs délégations municipales sont particulièrement investis sur ces missions.

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Plusieurs missions sont assignées au comité consultatif.

La première est de partager.

D’aucuns parlent d’observatoire, comme ils peuvent exister au niveau national et régional. Partager l’information sur l’exercice de la laïcité à Rennes. Partager vos convictions, partager vos expériences pour parvenir à une connaissance objective, une conscience mutuelle des enjeux liés à l’application du principe.

Pour cela, nous proposons que le comité se réunisse à un rythme mensuel. Dans cette période qui précède l’installation officielle du comité, René Jouquand et Gilles Suignard se proposent de conduire à plusieurs dizaines d’audition pour recueillir les analyses d’un spectre, aussi large que possible, d’acteurs rennais. Je souhaite que cette démarche de consultation puisse perdurer au-delà de la période qui nous sépare de l’installation.

Votre deuxième mission sera de veiller, d’informer, de construire des repères face à des situations qui font débat.

Je vous propose que le comité consultatif rédige, d’ici la fin de l’année, une Charte du vivre-ensemble. Elle aura vocation à être soumise au vote du Conseil municipal au premier semestre de l’année 2016. Il est important que nous nous donnions des échéances calendaires.

Pourquoi une Charte ? Non pas pour être dans l’incantation. Mais au contraire pour éprouver, dans l’action, la notion de laïcité. La rendre accessible, lisible, compréhensible. Donner aussi de nouvelles boussoles pour agir, dans la fidélité d’un travail engagé, de longue date, par notre Ville. Certains se souviennent des travaux lancés par Edmond Hervé et Pierre-Yves Heurtin.

Car la troisième mission du comité consultatif sera de proposer.

Le comité pourra émettre des avis pour et se saisir de toute question locale, dans une perspective de conseil, de soutien et d’aiguillon à l’action municipale. Je pense notamment à la question de l’occupation du domaine public. Au respect scrupuleux de la neutralité, du principe de neutralité, de nos services publics. A la question de l’orientation aussi de notre projet éducatif local, dont j’ai souhaité qu’il soit conforté vers l’éducation à la citoyenneté.

Tout part de l’école et tout y revient aussi. Faut-il défendre une nouvelle pédagogie de la laïcité. Des débats ont lieu en ce moment, à l’initiative de Najat Vallaud-Belkacem au ministère

Faut-il également pour défendre une nouvelle pédagogie de la laïcité – je verse cette idée à vos débats, proposer des actions ouvertes, y compris symboliques, les 9 décembre, date anniversaire de l’adoption de la loi de séparation des églises et de l’État ? Cette date a vocation à être transformé en une journée nationale de la laïcité.

Pour donner à vos travaux la lumière et l’ouverture dont ils auront besoin, un espace dédié au comité consultatif sera ouvert sur le site internet de notre Ville. Les Rennaises et les Rennais pourront en prendre connaissance et auront la possibilité d’y déposer leurs contributions.

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Cent dix ans après l’adoption de la loi de séparation, parler de laïcité, c’est l’assurance – et nous l’assumons – d’ouvrir des débats d’idées animés. Mais nous croyons tous aux vertus du dialogue pour créer du consensus.

Nous avons la conviction que chaque Rennaise, que chaque Rennais, quelle que soit sa condition, quel que soit son horizon, quel que soit son parcours, quelle que soit son appartenance, a quelque chose à apporter au pot commun de l’intelligence collective.

C’est le sens de la Fabrique citoyenne de Rennes qui nous permettra d’adopter une Charte de la démocratie locale, dans laquelle figure ce comité.

Nous le faisons avec ce « souci de pacification » qui était d’ailleurs déjà celui d’Aristide Briand au moment des débats de 1905.

Nous le faisons avec cette confiance en une laïcité que notre ville a toujours su cultiver.

Nous pourrons affirmer, fermement mais sereinement, que la laïcité est non seulement indispensable, mais par ailleurs qu’elle ne sera jamais négociable.

Car elle transforme nos différences, nos pluriels, en un singulier, en un monde commun que nous voulons apaisé.

Pour cela, je remercie chacune et chacun.

Je propose que ceux qui le souhaitent puissent s’exprimer.