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Intervention de Nathalie Appéré suite aux attentats de janvier 2015
22 janvier 2015
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Mesdames et messieurs,
Chers collègues,

C’est avec la conscience aigüe que notre pays vit une situation exceptionnelle, que je m’adresse à vous, ce soir.

Froidement, lâchement, sauvagement, 17 de nos compatriotes ont été assassinés.

Chacun d’entre eux était le visage de la France.
Chacun d’entre eux incarnait l’esprit de la France, sa liberté, son autorité, sa diversité.

Face à l’épreuve du sang, au défi de la peur et de la terreur, la République n’a pas fléchi.

Ses institutions n’ont pas plié.

On disait la France résignée, pessimiste, divisée ; elle s’est levée.

15 000 Rennaises et Rennais étaient, ici, sur notre place de la mairie, le soir même de l’attaque contre Charlie Hebdo, à l’initiative du club de la presse.

Je n’oublierai jamais ce silence et cette émotion intenses qui traversaient chacun d’entre nous.

Puis, passé l’effroi, la tête haute, d’une seule voix forte, incroyablement digne et grave, la France s’est mise à marcher. Les yeux du monde entier rivés sur elle.

À Rennes, 120 000 personnes,
que plus aucune différence de croyances, d’origine ou de conditions sociales ne divisait,
que plus aucune distinction politique ne séparait,
ont marqué leur attachement viscéral à la République.

Une République de liberté, d’égalité, de fraternité.

Une République de laïcité qui respecte ceux qui croient comme ceux qui ne croient pas.

Une République de diversité où chaque citoyen a une place, quelles que soient ses origines, quelle que soit sa condition, quelle que soit sa génération.

Une République de sécurité qui peut compter sur ses forces de l’ordre.

Une République de l’unité, enfin, qui sait toujours se rassembler quand l’essentiel est en jeu.

***
Mesdames et messieurs,

Je le dis à travers vous, à tous nos concitoyens, l’esprit du 11 janvier nous oblige autant qu’il nous élève.

Il nous rassemble autant qu’il nous dépasse.

Il nous crée des devoirs : transformer notre émotion en réflexion, poursuivre notre mobilisation en actions, mais aussi interroger avec lucidité notre pays. Sans angélisme, ni naïveté.

Comment notre société produit-elle des « égarés de la République » qui peuvent sombrer dans des idéologies de la haine et de la mort ?

Comment des croyances funestes peuvent-elles persuader des enfants perdus que l’égalité républicaine est une promesse non-tenue ?

Ces questions dépassent, bien sûr, le cadre de notre ville.

Mais elles doivent aussi nous interpeller, nous questionner, dans l’exercice de nos interventions et de notre action publique.

Je veux partager avec vous la conviction que Rennes,
forte d’une culture du vivre ensemble chevillée au corps,
forte de la permanence de son action publique,
forte d’une mobilisation de tous ses élus et de ses services,
peut relever ces défis.

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Et pour cela, notre ville doit rester rassemblée.

Au sein de notre Conseil, je continuerai à faire vivre l’esprit d’unité du 11 janvier. Le débat républicain est fait de confrontations d’idées, c’est sa noblesse.

Ne laissons pas la facilité des postures avoir raison de l’idée que nous nous faisons de notre démocratie locale.

C’est le vœu que je forme pour notre assemblée, en ce début d’année.

L’esprit du 11 janvier s’éprouvera aussi dans un dialogue intense et renouvelé avec tous les acteurs de notre ville.

Nous avons initié la Fabrique citoyenne de Rennes dès le mois de novembre.

Nous présenterons, samedi prochain, la Charte de la démocratie locale. Un texte qui sera la feuille de route de tous nos outils participatifs, non seulement pour réunir les Rennais, mais aussi pour intervenir, de façon plus juste et plus efficace.

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Débattre pour mieux agir demain, ce sera aussi l’objectif de cinq chantiers majeurs que je veux ouvrir, avec vous, ce soir.

Cinq chantiers pour cinq piliers de notre pacte républicain.
Cinq chantiers pour des réponses de fond, durables, tangibles, concrètes.

La laïcité, l’éducation, la lutte contre le racisme et les discriminations, la culture, mais aussi l’emploi et l’insertion.

Je place la laïcité au premier rang, parce que c’est pour elle que notre pays a été attaqué et c’est par elle que nous nous protégerons du fanatisme.

Plus la société est plurielle, plus nous avons besoin de laïcité.

Je n’accepte pas qu’elle soit dévoyée pour stigmatiser nos concitoyens de confession musulmane.
Je n’accepte pas, non plus, la montée des communautarismes qui sont autant de volontés de séparer, de soustraire, de scinder l’espace public.

Je m’étais engagée, auprès des Rennais, à mettre en place un comité consultatif pour la laïcité. Sa création sera accélérée.

Dans les semaines qui viennent, les représentants de tous les cultes, des associations philosophiques, d’éducation populaire, des experts, des témoins, des citoyens… se réuniront. J’ai demandé à René Jouquand, ancien adjoint à la culture, d’animer ces travaux.

Ce comité établira une liste de recommandations pour que le principe de laïcité soit appliqué partout où il doit l’être, dans nos services publics ; et en premier lieu, à l’école.

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Il n’y a pas de République sans école, il n’y a pas, non plus, d’école sans République.

C’est l’école qui apprend à penser librement et à s’extraire des théories toutes faites.

C’est l’école qui doit aussi garantir l’égalité des chances.

C’est l’école qui doit tenir la promesse d’épanouissement et de réussite qui est faite à chaque enfant.

Je veux conforter, dans ce sens, notre projet éducatif local.

Nous réunirons, avant la fin du mois de février, l’ensemble des représentants de la communauté éducative rennaise pour travailler sur la réduction des inégalités sociales et territoriales et sur le renforcement de la cohésion sociale et du lien civique.

D’ores et déjà, je verse une proposition à notre débat municipal : pourquoi, sur les temps périscolaires, ne pas orienter les activités, que propose la Ville, vers l’éveil à la liberté de la presse, à la création, à la citoyenneté, à la lutte contre le racisme… ?

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Nous allons, par ailleurs, intensifier la lutte contre la xénophobie, contre l’antisémitisme, contre l’islamophobie,
pour retracer les lignes rouges, redire les interdits, refuser tous les amalgames, toutes les discriminations.

Nous réfléchirons avec les acteurs associatifs, et notamment de l’éducation populaire, à de nouvelles actions :
le renforcement du Conseil rennais de la diversité et de l’égalité des droits,
la multiplication des formations et des sensibilisations.

Nos actions de solidarité internationale peuvent aussi jouer un rôle d’ouverture.

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La culture sera également un levier d’action.

Car la culture, c’est une lumière contre l’obscurité de toutes les barbaries. C’est ce qui rend libre, qui unit et qui élève vers le sens commun.

Il n’y a pas de citoyenneté vivante sans culture.

Nous lancerons au printemps, les États généraux de la culture.

Nous écouterons les créateurs, nous consulterons les passeurs de culture, nous donnerons la parole aux professionnels, aux amateurs, aux spectateurs, pour sceller, dans la solidarité rennaise, un nouveau pacte.

Nos acteurs culturels pourront, demain, se saisir des témoignages, des dessins, des mots de soutien que les Rennais avaient laissé sur les marches du parvis.
Nous les avons confiés à nos Archives municipales pour qu’une trace de cet élan soit conservée.

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Défendre le pacte républicain, c’est enfin s’engager activement dans la bataille de l’emploi, et en particulier en faveur des jeunes.

Vous le savez 2 milliards d’euros seront investis sur le mandat, par la Ville et la métropole.

Il faut que ces chantiers bénéficient davantage aux personnes qui reprennent le chemin de l’emploi, par le levier notamment des clauses sociales d’insertion.

Nous analyserons ces dispositifs, nous réfléchirons à leur renforcement avec vous, avec les acteurs de l’emploi et de l’insertion.

Nous les inviterons à une première réunion au cours du mois de février.

***

Voilà, chers collègues, les cinq chantiers que nous lançons ce soir.

Je vous invite à y prendre votre part, toute votre part, et je le dis bien sûr, en m’adressant à chaque groupe et à chaque élu.

Après ces événements, après cette mobilisation, quelque chose s’est passé, quelque chose qui nous a tous renforcé.

Plus que jamais, la République est notre réponse.
La République est notre combat.

Cette année qui a commencé dans les larmes, se poursuivra avec nos seules armes communes, celle de la citoyenneté, celle de la laïcité, celle de la diversité.

Et nous sommes en marche, comme nous avons marché le 11 janvier.

Nous sommes en marche pour cette idée généreuse et ouverte, cette conception tolérante et pourtant toujours vigilante, que nous nous faisons du vivre-ensemble dans notre cité.

Nous sommes en marche pour

Frédéric Boisseau,
Philippe Braham,
Franck Brinsolaro,
Jean Cabut,
Elsa Cayat,
Stéphane Charbonnier,
Yohan Cohen,
Yoav Hattab,
Philippe Honoré,
Clarissa Jean-Philippe,
Bernard Maris,
Ahmed Merabet,
Mustapha Ourrad,
Michel Renaud,
François-Michel Saada,
Bernard Verlhac,
Georges Wolinski

Au nom de notre Conseil municipal, je vous invite, en leur mémoire, à vous lever et à observer une minute de silence.