Évolution de COORUS : dispositif d’accueil de migrants
8 septembre 2015
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Intervention de Frédéric Bourcier en séance du Conseil Municipal de Rennes, le 7 septembre 2015.

Mes chers Collègues,

la délibération que je vous propose d’adopter ce soir nous ramène à un sujet sous les feux de l’actualité : l’accueil d’une partie des flux migratoires sur notre territoire.

Cette délibération rappelle opportunément que nous ne découvrons pas ce sujet à l’occasion de la crise actuelle et de l’émotion naturelle, humaine, qu’elle suscite. Notre ville a une continuité dans l’engagement concret et dans la mise en place de solutions complémentaires aux dispositifs pilotés et financés par les services de l’Etat, sur un sujet de la compétence de ce dernier

Pour nous en tenir au passé récent, COORUS a été mis en place de manière opérationnelle dès juillet 2011, et depuis avril 2014, aucun enfant mineur ne dort à la rue sur Rennes, quel que soit le statut de ses parents, grâce à un dispositif hôtelier mis en place par le Ccas. En ce moment entre 40 et 50 familles sont hébergées par ce biais tous les soirs. Il n’est nul besoin de vous rappeler l’accueil des 35 réfugiés syriens en novembre dernier dans le cadre des accords internationaux signés par la France. C’est donc d’abord au nom de ces engagements passés que notre maire Nathalie Appere, qui est à l’origine des décisions pré citées, a très naturellement annoncé l’adhésion de Rennes au réseau des Villes Solidaires. C’est ensuite pour dire notre disponibilité à accompagner les décisions européennes et nationales qui ne manqueront pas d’être prises après le sommet de la mi septembre. Nous participerons par ailleurs ce samedi à la réunion proposée par le ministre de l’Intérieur à l’ensemble des maires de France place Beauveau. Rennes est une ville Solidaire. C’est dans son ADN. On retrouve cette solidarité dans les politiques publiques mais aussi dans l’engagement citoyen et associatif qui est massif.

Je ne veux évidemment pas aborder et qualifier la situation internationale qui provoque les flux migratoires actuels mais nous savons que, de manière durable, les évolutions climatiques, les déséquilibres économiques et les guerres vont alimenter ces flux vers les pôles de richesses et de liberté du globe. Il importe donc qu’à tous les niveaux – européens, national, régional et local – nous organisions et articulions les dispositifs mis en place, nous valorisions les engagements citoyens.

Pour ce faire il faut organiser la répartition de l’effort d’accueil sur le territoire. Si nous ne voulons pas déséquilibrer nos politiques de droits communs et tous les services publics, c’est une absolue nécessité. C’est aussi une des conditions pour un accueil et une intégration réussie. Nous savons par exemple que les Centre d’Accueils des Demandeurs d’Asile sont saturés dans notre département, là où des places sont disponibles dans d’autres départements. Et si le débat médiatique se concentre sur la question de l’hébergement, nous savons que l’enjeu d’un accueil et d’une intégration réussis passe par l’accompagnement sur les questions de santé, d’éducation et de formation, d’accès aux services sociaux, et, de manière obligatoire dans notre modèle d’intégration républicaine, par l’apprentissage du Français. Quand nous avons réglé la question du logement, nous n’avons fait qu’une part du travail et de l’effort d’intégration. Il faut le rappeler à l’heure où, sous le coup de l’émotion bien légitime, les slogans et les leçons fleurissent très rapidement et facilement. Cet effort a un coût pour la Nation et la puissance publique. Si nous ne faisons pas cet effort, une intégration inaboutie amène les difficultés et la précarité pour les personnes concernées, et également des déséquilibres et des difficultés dans la société toute entière. Ne pas accueillir dignement ceux qui n’ont pas le choix du retour est donc une faute morale et politique, c’est aussi un très mauvais calcul pour le vivre ensemble, le dynamisme social et économique de notre Pays. Nous sommes bien placés à Rennes pour rappeler que l’effort national de 1979 nous a amené à accueillir une population qui s’est parfaitement intégré, a travaillé et s’est engagé pour notre territoire.

Il est heureux que le législateur, après des mois de travail sur le sujet, viennent d’adopter une loi réformant le droit d’asile. Nous avions échangé avec les députés Erwann Binet et Marie-Anne Chapdelaine, dont la mission parlementaire sur le sujet, avait fait étape à Rennes. Nous constatons avec intérêt que sur les questions fondamentales du raccourcissement du délai d’instruction des demandes, sur le renouvellement des titres de séjour et sur la répartition de l’accueil sur le territoire, des avancées significatives et des moyens sont annoncés. Tout ce qui amène sécurisation et continuité des parcours est bon pour les personnes et permet aussi aux politiques publiques d’être plus efficientes.

C’est justement pour être plus efficace et efficient que nous avons travaillé avec l’Etat sur la fonctionnement du dispositif COORUS. Il importe en effet qu’une réponse calibrée soit proposée aux personnes en fonction de leur statut, à tel ou tel moment de leur parcours. Or au bout de 3 ans de fonctionnement, nous avions constaté, probablement sous l’effet de la saturation de tous les dispositifs d’accueil d’Etat – quelques 550 places sur le territoire rennais je le rappelle – que 53 personnes sur les 95 places occupaient leur logement depuis le début de la mise en place du dispositif. Or COORUS a vocation à héberger temporairement les personnes entre leur entrée sur le territoire et la réponse à leur demande de titre de séjour.Cet hébergement se déroule dans des biens immobiliers mis à disposition par la ville de Rennes.

La délibération qui vous est proposée prévoit d’abord le financement de l’animation du dispositif par la SEA 35 – Sauvegarde de l’Enfant à l’Adulte 35 – de 43 000 € venant de la VdR, celui de 30 000 € venant de la Fondation Abbé Pierre, le retour de l’Etat dans ce financement à hauteur de 10 000 € après quelques années d’interruption. Elle prévoit ensuite de qualifier les priorités d’accès au dispositif en fonction du statut des personnes. 4 mois pour les ménages primo-arrivants visant une procédure classique de demande d’asile, 3 mois pour ceux qui sont placés en procédure prioritaire, 6 mois pour ceux qui ont transité par un autre pays de l’espace Shengen, 6 mois pour les ménages où des problématiques de santé nécessite une stabilité pour le suivi thérapeutique. Elle prévoit donc la durée maximale de présence dans le logement, même si une commission se réunira régulièrement pour évaluer les cas dérogatoires. Je veux insister sur le rôle de la SEA 35, l’un des acteurs qui peut actionner, dans le suivi social des personnes, tous les leviers nécessaires, car la SEA 35 est au coeur d’un réseau associatif de mouvement de solidarité qui a l’habitude de travailler avec les services de l’Etat et tous les opérateurs sur ces questions. D’ailleurs cet effet réseau est sur le sujet une force sur le territoire.

Le succès de COORUS passe par la qualité de l’accompagnement administratif et social et par la quantité de logements mis à disposition. Je profite de cette délibération pour dire notre disponibilité à étendre le dispositif aussi bien sur le plan quantitatif, sur Rennes, mais aussi avec d’autres communes de la Métropole et du département. Nous pouvons également envisager, en lien avec les associations, d’y intégrer l’accompagnement des particuliers qui proposent des hébergements aux réfugiés.
Nous pouvons aussi, sur un plan qualitatif, étendre les conditions d’entrée dans le dispositif à des catégories de personnes concernées par les engagements de la France pour l’accueil des réfugiés, le Président de la République a annoncé le chiffre de 24000 pour les 2 années à venir.

Vous l’aurez compris. Il nous reviendra sans doute à l’avenir de poursuivre la montée en puissance de COORUS. Nous y sommes prêts au nom des valeurs qui sont les nôtres.

Frédéric Bourcier 7 septembre 2015 – Seul le prononcé fait foi