C’est à Nice que Sélène Tonon voit le jour en 1987. La plus jeune élue du groupe socialiste, démocrate et citoyen de la Ville de Rennes vit près d’Aubagne jusqu’à ses 13 ans puis monte à Roubaix pour le lycée. Après le bac, elle quitte un milieu « pas très progressiste où il est difficile de s’affirmer de gauche », pour faire des études d’ingénieure en développement logiciel à l’INSA de Rennes, où elle devient rapidement responsable du club de jeux de rôle de l’école.
Elle travaille par la suite dans une entreprise spécialisée dans l’informatique jusqu’en 2014, peu avant d’entamer sa transition de genre. Une période durant laquelle cette féministe convaincue s’engage pour la cause LGBT, dans un contexte où la « Manif pour tous » distille chaque jour un peu plus son intolérance et son homophobie. « Très perturbée par la violence » des manifestants, elle reste marquée par une phrase en particulier (« Je n’ai rien contre les homosexuels mais il ne faudrait pas que ça devienne normal »), qui motive son combat pour la normalisation et le droit à l’indifférence des personnes, quelle que soit leur orientation sexuelle ou leur identité de genre.
Élue présidente du centre LGBT de Rennes à cette époque, elle écrit pendant plusieurs années des livres, sensibilise et forme des publics aux droits des personnes LGBT ainsi qu’aux discriminations et aux violences dont elles sont victimes. S’engage alors une coopération parfois « tumultueuse » mais souvent « très fructueuse » avec la Ville de Rennes qui permet, par exemple, au centre de former les agents de l’état-civil de la mairie, à l’accueil des personnes LGBT.
Ce militantisme associatif contribue à « l’éveil d’une pensée citoyenne, d’une conscience politique ». Il lui fait également rencontrer Nathalie Appéré qui lui propose de participer à sa campagne et de rejoindre sa liste. Tiraillée entre l’envie de servir de modèle à des jeunes qui manquent de représentation culturelle, et la crainte d’être réduite à cela, elle revendique le droit de « vivre et de s’épanouir en dehors du militantisme. »
Cela ne l’empêche pas, en tant que nouvelle élue, de prôner avec ferveur l’égalité en matière d’offre et de politique culturelle. Cette admiratrice d’Olympe de Gouges et de son combat féministe, anti-esclavagiste et contre le jacobinisme, mais aussi de Montaigne et de Christiane Taubira « qui m’a dit de continuer à lutter », œuvre pour l’inclusion de toutes et tous dans le monde du jeu, son univers.
Conceptrice de jeux vidéo, professeure de programmation et adepte de l’escrime artistique, elle pratique le « militantisme culturel. » Autrement dit, en étant ouvertement transgenre et bisexuelle, elle montre aux femmes et aux personnes LGBT qu’elles ont toute leur place dans ce milieu. Après être notamment intervenue au Stunfest, le festival de jeux vidéo rennais, elle organise la Queervention, le 1er festival de jeux de rôles queer. Elle crée également l’association Ludiqueer qui favorise l’accès aux jeux des minorités, mais n’en est plus la présidente : « le sens de l’engagement c’est quand les choses continuent sans nous, ça veut dire qu’on n’a pas pris toute la place. »
Quel est son rôle ?
En ce qui concerne les musées municipaux (Musée des Beaux-Arts et La Criée), elle fait en sorte que les Rennaises et les Rennais puissent y avoir accès sans frein et se les approprient pleinement. Atténuer la violence symbolique que les musées peuvent représenter pour certains, passe notamment par la gratuité des collections permanentes mais aussi par la modernisation de la communication et de l’accueil des musées. C’est également pour cette raison qu’une antenne du musée de Beaux-arts ouvrira à Maurepas.
Lecture publique (11 bibliothèques + le Service médiation et action éducative) : il s’agit dans un premier temps d’étudier les publics en se demandant pourquoi certains ne se rendent pas dans les bibliothèques. Est-ce qu’ils ne savent pas que cela existe ou ne s’y sentent pas légitimes ? Il s’agit ensuite de réfléchir à comment améliorer la mixité et la diversité des publics qui fréquentent les bibliothèques.
Cultures ludiques (jeux de société, de plateaux, jeux vidéo, etc.) : faire reconnaître les pratiques ludiques comme une culture à part entière, au même titre que la danse ou la musique, en rappelant que les jeux ne sont pas réservés aux enfants. En effet, le jeu vidéo est une pratique majoritaire et Rennes est avant-gardiste en la matière : conventions de jeux de rôle organisées chaque année, plusieurs bars à jeux dans la ville, festival Rennes en jeu qui réunit 10 000 personnes au couvent des Jacobins, tournois de e-sport, etc.
Son rôle est donc de renforcer les partenariats entre les associations et d’accompagner les créations, mais aussi de faire en sorte que les bibliothèques s’ouvrent aux jeux, « le temps de la clandestinité est révolu. » Enfin, il s’agit de promouvoir le jeu comme axe de développement personnel et de favoriser la mixité de genre et la mixité sociale.