Sylvie Robert : “une période teintée de conservatisme et d’incertitude”
5 décembre 2016
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Intervention de politique générale au conseil municipal du 5 décembre 2016

Mes chers collègues,

Nous avons vécu ces dernières semaines des débats politiques majeurs. Certains nous ont replongés dans une période que l’on croyait dépassée, teintée de conservatisme et d’incertitude. Une véritable remise en question de ce que je considère tout simplement comme des droits fondamentaux. Je veux parler notamment de l’accès à l’IVG et du volet prévention des politiques de santé publique.

Des considérations morales voire moralisantes ne peuvent servir de guides quand il est question de ces sujets. Or, malheureusement, c’est ce à quoi l’on a assisté ces derniers jours.
L’accès à l’IVG est un droit garanti à toutes les femmes en France depuis 1975, des femmes qui, comme l’avait si justement dit Simone Veil, ne sont pas “les plus immorales ou les plus inconscientes [mais des femmes] que nous côtoyons chaque jour et dont nous ignorons la plupart du temps la détresse et les drames.

Le débat sur l’accès libre à l’IVG, et sur son remboursement intégral ressurgit dans le cadre des primaire de la droite et du centre, mais aussi lors de la discussion à l’AN de la proposition de loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse. Ce texte vise à lutter contre les pratiques de désinformation de sites Internet, qui, sous couvert d’une présentation neutre et objective, exercent une pression psychologique sur les femmes et leur entourage en matière d’IVG. Pour Bruno Retailleau, président du groupe des Républicains (LR) au Sénat, ce texte serait “parfaitement contraire à la liberté d’expression“. Rendez-vous compte ! OUI, près de 42 ans après la loi Weil, on veut remettre en cause ce droit sur fond de tentatives similaires en Espagne et en Pologne.

Simone de Beauvoir avait raison lorsqu’elle disait “N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise économique, politique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question.

Les premiers à avoir pris pour étendard la liberté d’expression pour que le délit d’entrave ne soit pas étendu aux sites internet, sont aussi les premiers à avoir voulu censurer les affiches de la nouvelle campagne de prévention du Ministère de la santé sur les maladies sexuellement transmissibles, présentes depuis quelques semaines dans les rues de 130 villes de notre pays. Or des Maires LR ont réclamé le retrait par la société JC Decau de ces affiches.
Cette initiative a été plébiscitée par de nombreux élus de droite, en témoigne la réaction d’Isabelle Le Callennec, pour qui la campagne de prévention « choque », est « très suggestive », porte « un message électoral en direction d’une communauté », et heurterait la sensibilité des enfants.

Marisol Touraine et Laurence Rossignol ont immédiatement condamné cette censure. La Ministre a par ailleurs annoncé son intention de saisir la justice administrative.

Comment peut-on encore entendre parler d'”incitation à l’homosexualité”, comme si l’homosexualité était un délit !!!
Pourquoi ne pas réaffirmer qu’il est possible dans une société libre, tolérante et bienveillante d’informer sur les dangers des maladies sexuellement transmissibles, et que la loi met sur un pied d’égalité tous les individus, quelle que soit leur orientation sexuelle.

Aujourd’hui en France, 152 000 personnes sont porteuses du VIH, 20% des malades ne savent pas qu’ils sont atteints du sida, et 6 000 nouveaux cas sont détectés chaque année. Les nouvelles contaminations touchent pour 50 % des hommes homosexuels, plus fragiles que les personnes hétérosexuelles face à l’épidémie du sida et au risque de transmission. C’est une réalité contre laquelle nous continueront à lutter, obstinément.

Car la prévention est le premier des combats à mener, et pour faire de la prévention, il faut pouvoir expliquer les choses très simplement, aux populations vulnérables, et à la population en général. C’est ce qui a été encore une fois rappelé à l’occasion de la journée mondiale pour la lutte contre le sida.

Le deuxième combat à mener est celui de la lutte contre les discriminations. En France, 50% des personnes séropositives vivent sous le seuil de pauvreté. Si le sida ne tue plus sur notre territoire, il continue de créer un fossé entre les porteurs du VIH et le reste de la société, entrainant souvent un repli sur soi, l’isolement, et le cas échéant, des discriminations.

Ces débats cristallisent des positions de plus en dures et clivantes.
Mes chers collègues, rien n’est jamais acquis ! Ayons conscience que les droits fondamentaux doivent toujours et inlassablement être défendus.

Quand un vent de conservatisme entretenu par certains réseaux et alimentés par des mouvements comme la “manif pour tous” décide de les fragiliser, réaffirmons haut et fort nos valeurs de libertés et d’égalité. Ils sont les fondements de notre démocratie de progrès.

Seul le prononcé fait foi